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Le développement personnel transforme nos vies Envoyé par Diane le 02/08/2023 à 00:43
… en entreprises qui doivent être rentables »
Se réclamant souvent d’un courant plus tourné vers l’authenticité et le pouvoir intérieur, le développement personnel est en réalité très productiviste
Les rayons des librairies françaises ploient sous le poids des ouvrages de développement personnel. Parmi les dos bigarrés des ouvrages, un sur trois intime ses lecteurs à opérer des changements dans leur vie. En 2018, ils représentaient 32 % du marché du livre. Une industrie tentaculaire qui s’infiltre aussi dans nos smartphones avec des applications dédiées au mieux-être comme Calm qui avait déjà dépassé les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2019. Sur le site « developpementperso.com », il est même possible d’acheter un pack de musiques vendues comme des « fréquences thérapeutiques de guérison » pour 149 euros. « Le développement personnel - qui pourtant prône une forme d’authenticité qui serait plus primordiale - est une industrie dont le but est de marchandiser nos vies », tacle la philosophe Laurence Devillairs.
Car le marché du bien-être certifie que toutes les clefs pour vous sentir mieux se trouvent en vous. Mais pour les révéler, mieux vaut avoir une carte. Bancaire, pas au trésor.
En 2021, le cabinet McKinsey évaluait le marché du bien-être, dont fait partie le développement personnel, à 1.500 milliards de dollars. Un niveau supérieur à celui du marché du médicament, évalué à 1.291 milliards de dollars en 2021. Avec une croissance annuelle de 5 à 10 %, le secteur ne connaît pas la crise.
La part du développement personnel ne cesse de croître. D’après Radio France, l’industrie génère 11 milliards de dollars par an en moyenne. « Le développement personnel monétise toute notre personnalité, comme si nos émotions étaient des marchandises », juge Laurence Devillairs.
« Être sans cesse performant »
« C’est compliqué de parler du développement personnel comme un ensemble homogène », tempère Nicolas Marquis, professeur de sociologie et de méthodologie à l’université Saint-Louis à Bruxelles et auteur de Le Changement personnel. Histoire, mythes, réalités et Du Bien-être au marché du malaise.
« Il y a des formes très inspirées de l’histoire américaine avec un rapport complètement décomplexé à l’argent mais, dans les pays d’Europe continentale et en particulier en France et en Belgique francophone, ce qui fonctionne le mieux c’est une version qui critique cette vision néolibéral », explique-t-il.
Toutefois, au-delà du marché, la mouvance s’inscrit dans une logique productiviste. « Elle exige de faire un "travail sur soi" et demande d’être sans cesse performant », analyse Laurence Devillairs.
Dans Tout se joue avant 8 heures, Hal Elrod encourage les lecteurs à se lever plus tôt, avant leur prise de poste, afin de « méditer, faire du sport, lire et préparer leur journée ».
Se lever tôt, faire de l’exercice, boire des smoothies équilibrés, pratiquer le yoga… Tout en travaillant et en soignant ses relations sociales, bien entendu. « Ce sont des journées de cinquante heures », rit Laurence Devillairs. « Même cultiver les petits bonheurs comme la marche ou l’appréciation du moment présent se fait sous forme d’obligation », regrette la philosophe.
« Il faut toujours faire quelque chose, même ne rien faire est conçu comme une chose à faire », renchérit Nicolas Marquis.
« On transforme nos vies en entreprises »
« Le développement personnel se présente comme étant à la marge mais, s’il y a bien une norme attachée aux sociétés individualistes, c’est l’obligation de travailler sur nous-mêmes », décrypte le sociologue. Ce productivisme, au cœur du développement personnel, nous pousse à sans cesse travailler, même en dehors du travail, même en nous, même sur nous. « On transforme nos vies en entreprises qui doivent être rentables », regrette Laurence Devillairs qui ajoute que « même le vocabulaire est emprunté au monde du travail, du management ». On nous demande en effet de « gérer notre deuil » comme un gros dossier, de « développer notre potentiel » comme une start-up ou de « saisir les opportunités de nos échecs ». Avec l’idée de travailler « sa vitrine » comme une entreprise travaille son image de marque.